Communiqué interassociatif

Le pass sanitaire, bombe à fragmentation pour la lecture publique ?

Pour des bibliothèques qui restent faciles d’accès au quotidien pour toutes et tous !

Communiqué du 26 juillet 2021
Avec l’entrée en vigueur du pass sanitaire, la culture est une nouvelle fois particulièrement mise à l’épreuve.

Engagées au service de toutes et tous, et comme elles l’ont montré depuis le début de la crise,  les bibliothèques entendent jouer leur part dans la lutte contre l’épidémie et ses effets négatifs. Elles accueillent la population au sein de leurs locaux, adaptent leurs offres culturelles selon les règles sanitaires en vigueur, mettent à disposition des ressources, facilitent l’information et l’aide technique permettant aux citoyens d’aller se faire vacciner. Les équipes sont d’ailleurs particulièrement mobilisées pour développer et accompagner une multiplicité d’usages, faire la médiation de contenus auprès de publics très variés.

Alors que les bibliothèques étaient jugées indispensables, essentielles lors des confinements de l’hiver et du printemps 2021, voilà désormais qu’elles basculent, à partir d’un accueil de plus de 50 personnes et sauf exceptions, dans la catégorie des établissements soumis au pass sanitaire.

Questionnée en amont, l’inter-association s’était positionnée contre la mise en œuvre de ce pass dans les bibliothèques. L’actuel déploiement du pass sanitaire pose un certain nombre de difficultés de mise en œuvre, et s’effectue selon des modalités en contradiction avec les valeurs portées par les bibliothécaires :

  • Ce pass induit, de fait, une notion de contrôle et de filtrage à l’entrée des services, en totale contradiction avec les valeurs fondamentales que nous défendons : un service public en accès libre, gratuit, ouvert à tous et toutes, sans discrimination et sans justification de l’usage qui en est fait.
  • Nous déplorons l’instauration d’une inégalité de traitement entre différents types de bibliothèques, certains établissements étant soumis à des exceptions. L’exemption de pass sanitaire accordée à certains types de bibliothèques est très surprenante, surtout lorsqu’il s’agit de grands établissements. Cela crée des situations incompréhensibles, notamment dans certains territoires (des bibliothèques spécialisées et universitaires accessibles contrairement à des établissements  de lecture publique), voire à l’intérieur même d’établissements ayant des sections spécialisées.
  • La mise en place du pass sanitaire à l’entrée des bibliothèques concernées induit une inégalité d’accès aux services, notamment pour les publics les plus précaires ou isolés alors que nous sommes au contraire utiles, par exemple en jouant le rôle de relais d’information et d’accompagnement (accès Internet pour la prise de rendez-vous vaccinal, travail documentaire sur l’infox liée à la Covid, etc). L’accès à l’information se fait par les services publics, et donc par les bibliothèques.
  • Distinguer les usages à travers la notion d’exception du pass pour des “motifs professionnels ou à des fins de recherche” laisse place à des marges d’interprétation, d’inéquité d’accès aux services selon l’activité. En quoi un usage serait-il plus légitime qu’un autre ? Comment concilier une mixité de publics avec et sans pass au sein d’un même lieu ?

Oui, les bibliothécaires ont fait preuve d’une adaptabilité conséquente comme nombre d’agents publics, et ont prouvé leur capacité à rebondir. Mais lorsque la notion même de service public libre, gratuit et ouvert à tous et à toutes est mise en question, l’adaptabilité ne suffit plus !

Oui, la réalité est que cette nouvelle étape amène sur le terrain des situations conflictuelles à l’entrée des bibliothèques publiques, et que cela entraîne par ailleurs une dégradation de l’accueil. En effet les bibliothèques et leurs collectivités ne peuvent que difficilement poster un agent en plus à l’entrée de chaque équipement.   

Oui, il est à craindre un impact durable sur la fréquentation de nos établissements. Ce nouvel épisode sanitaire va entraîner : éloignement à long terme de certains publics, détérioration des relations de confiance construites au quotidien avec les publics. Une baisse de la fréquentation a d’ailleurs déjà été mesurée depuis la mise en œuvre du pass. Elle s’ajoute à la baisse de fréquentation constatée depuis le début de la crise.

Afin de renouer avec les valeurs d’accès au service public et l’accès au service culturel de proximité que sont les bibliothèques, tout en continuant de lutter contre la diffusion de l’épidémie, nous demandons et proposons :

  • comme pour les librairies, que la fréquentation des bibliothèques ne soit pas soumise à la détention d’un pass sanitaire ;
  • que le rôle social et d’accès à l’informatique dans les bibliothèques pour se faire vacciner soit reconnu, et soit donc possible sans pass sanitaire ;
  • que l’égalité de traitement entre tous les usages et usagers des bibliothèques soit préservée.

Pour l’Association des Bibliothécaires de France,
Alice Bernard, Présidente

Pour l’Association des directrices et directeurs des bibliothèques municipales et groupements intercommunaux des villes de France
Malik Diallo, Président

Pour l’Association des Bibliothécaires Départementaux,
Anne-Marie Bock, Céline Meneghin et Céline Cadieu-Dumont, Co-Présidentes

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